Christian Vanhenten
27 mai 2016

Médiation et AikiCom, oublier Rocky

rocky_bd_victoryLes procédures judiciaires sont très filmogéniques car elles sont une illustration du combat adaptée à notre société moderne. Les avocats et autres procureurs sont les protagonistes d’une lutte verbale qui vise à gagner en imposant son verdict à l’autre partie.

C’est ainsi que les juristes qui se tournent vers la médiation doivent apprendre à changer radicalement leur état d’esprit et renoncer à l’allégorie qu’illustre à merveille cette image de Rocky, bras tendu vers le ciel en guise de victoire et de détermination. Mais c’est bien de victoire solitaire qu’il s’agit. Ce film tourné à l’époque du triomphe de l’individualisme est la consécration de la suprématie de l’ego, du “moi-je”.

Les aïkidokas doivent aussi désapprendre à être (ou devenir) des samouraïs qui vainquent leur ennemi et un des apprentissages fondamentaux de l’aïkido est similaire à celui des futurs médiateurs: apprendre à gagner ensemble, apprendre à gagner avec l’autre plutôt que gagner sur l’autre.

C’est en ce sens que l’AïkiCom est une communication aiki particulièrement appropriée pour les médiateurs. Les stratégies verbales ne cherchent plus à vaincre mais à convaincre c’est-à-dire à vaincre ensemble.

Exprimer sa position, défendre les points importants d’une des parties en évitant les jugements, les blâmes ou les propos dénigrant l’autre partie nécessite un apprentissage tant nous sommes habitués à agresser pour gagner. Il est si tentant de s’emparer de la moindre faiblesse, de la plus petite crainte décelée chez l’autre pour le déstabiliser alors que celles-ci peuvent au contraire être la porte ouverte vers une solution qui convienne à tous.

Le modèle des trois centres de l’AïkiCom nous permet de passer du conflit concentré dans la dialectique cognitive à un échange qui englobe chaque partie dans un échange complet. Débat d’idées devenant dialogue, accueil des états émotionnels de chacun qui ouvre à ce qui compte vraiment et surtout présence vrai, de corps à corps qui nourrit un espace d’échange véritable où chacun se sent reconnu et entendu, tels sont les ingrédients d’une médiation efficace d’où chacun sort gagnant.

mediation-reussieLa pratique Aïki isole les points de discorde de la même manière que l’aïkidoka accueille l’attaque sans désir de riposte. Le médiateur aïki développe ensuite les options et construit des alternatives pour déboucher sur un consensus qui répondra aux besoins de chacun.

La démarche développe le sens de responsabilité de chaque partie dans leurs prises de décision qui affecteront leur vie. Elle les rend acteurs dans un processus.

Il reste à résister à la tentation du combat qui cherche à vaincre pour vaincre. Et parfois la lutte est intense. Et parfois nous pouvons être tenté de nous laisser aller prendre partie ou à ne rien faire pour empêcher les personnes en présence de basculer dans l’attaque ou la fuite. Parce que une attaque a fait mouche, parce que l’agressivité  s’emballe, parce que nous détectons des signes qui s’apparente à une réelle mauvaise foi.

C’est alors que la dimension somatique de l’AïkiCom peut nous aider. Quand notre esprit sombre dans la confusion, quand nos émotions sont devenues intenses, il nous reste le corps comme ressource. Reprise de conscience de nos appuis, de notre verticalité, centrage et respiration, la pratique AïkiCom nous enseigne comment revenir à soi, comment nous désidentifier de nos pensées et de nos émotions pour repartir de soi et nous connecter à l’autre en le voyant autrement que comme un adversaire.

Masakatsu Agatsu : La victoire correcte et absolue est la victoire sur soi-même (Morihei Ueshiba, fondateur de l’aïkido)