Christian Vanhenten
14 mars 2016

e-mail, guerre propre de la communication

Répondre à un email dans l’émotion c’est la guerre propre de la communication: envoyer la réponse comme ces avions qui larguent à haute altitude leur bombe sur la cible sans voir de près l’impact. Une opportunité de de retrouver sa liberté d’agir autrement !

Il y a des jours comme cela où il nous est donné de tester notre cohérence.

Il y a des gens comme ça qui vous offrent – sans le savoir et malgré eux – des opportunités de voir si vous avez progressé dans la voie de la bienveillance martiale !

Reçu ce jour un message d’une ancienne connaissance qui a cru bon de réagir à un post sur facebook. Je ne recopie pas ce message ici mais sachez qu’il semble évoquer le fait que je n’ai pas compris quelque chose et qu’il est désolé pour moi.

send-angry-emailA la lecture de ce message, mon sang ne fait qu’un tour et presque impulsivement je clique sur le bouton “répondre” pour envoyer une réponse bien sentie. Tellement facile de riposter à ce message jonché de fautes d’orthographe qui m’assène un jugement avec un brin de paternalisme condescendant. Tellement facile de répondre dans le même ton, en sortant une autre vérité en réponse à sa vérité.

Un coup pour un coup. Il l’a bien cherché après tout. Je ne lui demandais rien et il vient spontanément me dire qu’il est désolé pour moi!
Le premier jet de réponse est un pur produit de cette colère qu’a déclenché la lecture de ce message. Court, tranchant et sans faute d’orthographe 🙂
Je relis, je suis content. J’ai vidé mon sac.

Petit détecteur en moi: est-ce Aïki ?

Je peux imaginer la réaction, la colère, la frustration quand il lira cette réponse. C’est le but.

cible-guerre-propreCette réaction je peux l’imaginer mais je ne la verrai pas. Comme ces bombes larguées à haute altitude dans les guerres modernes. L’e-mail c’est la guerre propre de la communication. On ne voit pas les dégâts de près. On vise, on largue, on sourit puis on se barre, le sentiment du devoir accompli.

Bien sûr on s’attend à une riposte. Elle sera sans doute avec un niveau d’agressivité supérieur, preuve que la cible a été touchée.

Qu’aurai-je gagné, lorsque je lirai cette réponse à ma réponse qui me replace dans la même situation qu’au début: un nouveau courriel désagréable auquel je ne pourrai répondre que de la même manière. Pas vraiment le choix.

Curieux mouvement perpétuel de l’agression qui est en fait une spirale négative qui aggrave les choses jusqu’à la victoire espérée par KO.
Je me pose, je me centre.
J’ai pris le temps d’imaginer ce scenario n°1. C’est bon, j’ai l’effet escompté. J’ai senti le “Na!” qui aurait ponctué l’envoi de ma réponse. Si j’en avais besoin, je suis comblé.
J’ai imaginé sa réaction, je me suis défoulé.
Je peux reprendre pied dans la réalité.
Et envisager autre solution: redevenir Aiki.
Utiliser ce courriel pour pratiquer, pour améliorer mon équilibre. confirmer dans l’action mon engagement à contribuer par cette petite action, cet incident mineur, à changer le monde, localement, à mon niveau, tel le colibri.

Etre Aïki c’est désamorcer l’agressivité.

Je reprends, j’écris, je relis.
Est-ce Aiki?
Cela part-il du centre?
Cela nourrit-il une énergie d’harmonie plutôt que d’agression?
Cela accueille-t-il l’autre ?
Est-ce que je me sens respecté dans ma réponse ?

Je peux aisément voir son message comme l’expression maladroite d’un malaise. Lequel ? Pas vraiment mon problème même si je peux imaginer qu’il veut me donner une leçon. Cette simple idée m’est désagréable mais le mouvement qu’a déclenché son courriel est maintenant tout autre. Je peux aisément le rassurer. Lui dire qu’il n’a pas de raison d’être désolé. Que je gère comme le disent les ados aujourd’hui.

kanji-choisirIl avait envoyé le courriel en position haute, celle du donneur de leçon, celui qui a compris. S’il s’attendait à une réponse agressive ou à une absence de réaction, je l’ai amené dans le déséquilibre d’une réponse inattendue. Je replace la relation sur un pied d’égalité, de personne à personne. Je n’ai pas raison et il n’a pas tort. J’ai ma vision de la réalité et il a la sienne. Je ne cherche pas à lui faire changer d’avis, je lui donne mon feedback.
Je veux le reconnaitre comme personne à part entière et pas comme donneur de leçon. J’espère ainsi l’influencer et l’amener à faire de même pour moi mais sans attente car cela lui appartient. L’amener dans un espace de dialogue plutôt que sur un ring de boxe. Lui faire sentir que sa “leçon” est tombée dans le vide et qu’à la place, il est entré en communication avec une personne plutôt que de larguer un jugement sur une cible.

Je relis, je suis satisfait, j’envoie.

Après j’accepte toute réaction possible. Il entendra ou non le message. Sa réaction en sera une indication.
Et s’il ne répond pas, je ne garderai de cette expérience que le fait d’avoir eu une opportunité supplémentaire de m’entraîner à la bienveillance martiale.


PS: Il serait tentant de croire que la vraie maîtrise consisterait à passer directement au scenario 2 sans passer par la réaction spontanée de colère. C’est sans doute ce qui distingue l’AïkiCom des autres applications de l’aïkido à la communication. Si  je veux être une personne vivante, j’accepte ma vulnérabilité. J’accepte – car je crois que c’est inévitable – de me sentir touché. Car non seulement il n’est pas possible de se blinder contre toutes les formes d’agressions possibles mais en plus cela nous rend insensible et nous extrait de la vie.
Ce qui me semble plus intéressant de travailler c’est ma capacité d’accueil de mes émotions, d’explorer les résonances que l’événement a éveillé, et de savourer la capacité de revenir dans le choix: c’est-à-dire de pouvoir choisir de ne pas réagir impulsivement avec nos comportements de toujours.
Avec l’entrainement la phase initiale se fait de plus en plus courte et rapide et transforme ce qui devait être initialement un événement désagréable en opportunité de grandir.
Merci la vie!