Christian Vanhenten
22 juillet 2014

Le ma, un soleil entre deux portes

ma kanjiEn japonais le terme ma représente à la fois l’espace et le temps. On peut le traduire par intervalle, espace, durée, distance. Son kanji (caractère japonais) est un soleil qu’entourent deux portes : 間.

Le ma est à la fois ce qui sépare et ce qui unit. En musique, le ma est le silence entre deux phrases musicales. Sans lui les mélodies ne peuvent se révéler dans leur harmonie.

En calligraphie japonaise, le sens est dans le trait et le ma est l’espace entre ces traits. Il les relie et les sépare. Si le calligraphe s’arrête entre deux traits, pour réfléchir ou reprendre de l’encre, l’enchaînement est perdu. On dit alors que le trait est mort. Le ma est l’espace du kimyaku qui signifie enchaînement du ki, l’énergie de vie.

Etudier le ma c’est dépasser le vide créateur de la dualité et voir dans cet  intervalle le soleil qui rassemble les deux portes : 間.

kanji ma aiEn aïkido on parle de ma ai (間合) c’est-à-dire de l’espace (ma)qui restaure l’harmonie (ai). Le travail aïki est un éternel retour à ce qui nous rassemble. Sans le ma nous pourrions être tenté par la fusion, la confusion. Les partenaires perdraient leur identité. Le ma maintient les individualités en les reliant.

Ce processus est le travail d’une vie. Sans cesse nous basculons d’un extrême à l’autre: rejet pour marquer nos différences ou fusion confondante et menaçante qui activent les mécanismes de défense de notre ego. La difficulté de maintenir un juste ma nous pousse à rejeter l’autre pour maintenir cet intervalle qui maintiendra notre identité. Pourtant dans les moments de bonheur, nous savourons cette proximité de l’autre, une proximité que l’on voudrait encore plus étroite, voire inexistante. La fusion, le retour à l’être uni, l’absence de limite semble être l’aspiration fondamentale de l’amour mais très vite le besoin d’être reprend le dessus. L’ego se nourrit du soleil entre les deux portes et les préfèrent fermées.

La distance idéale, le ma optimal n’existe sans doute pas ou peut-être n’est-il pas statique, figé, immuable. L’union du tient plus de la pulsation, du rythme, de la respiration qui semble seule pouvoir réunir les êtres vivants en les respectant dans leur identité.